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Le Livre des maccabées : un témoin de la guerre au Xe siècle. (Codex_PER_F_17)

websitebuilder • août 01, 2019
Origine et historique de conservation

Ce Codex, aujourd'hui conservé à la bibliothèque de Leiden aux Pays-Bas est daté de la première moitié du Xe siècle. Il se situe donc à cheval entre l'extrême fin de l'ère carolingienne, et le début de l'époque Ottonienne. La réalisation de cet ouvrage a probablement débutée  à l'abbaye de Saint-Gall, mais semble avoir été finalisée à l'abbaye de Reichenau en Allemagne. Le manuscrit contient le premier livre des « Maccabées » et la copie du quatrième livre de « l'Epitoma Rei Militaris » de Végèce. Ils ont tous deux été assemblés à la toute fin du XIIe siècle. Malheureusement, il n'existe aucune numérisation du document dans sa totalité, et nous ne pourrons en étudier que des folios épars, disponibles sur Internet.

Description du contenu

Ce Codex est réputé pour ses formidables représentations de scènes belliqueuses. Les événements figurés sont bibliques, mais il semble que le, ou les dessinateurs, se soient inspirés des incursions Magyares qui ont ravagés le sud de l'Allemagne au Xe siècle. Encore une fois, et comme il est de coutume dans la littérature religieuse carolingienne, des éléments matériels contemporains de la rédaction du document sont fixés sur une trame narrative relatant des événements plus anciens. La stylistique du dessin est particulière, puisqu'elle joue sur des effets d’amoncellements compacts de personnages, empêchant de fait toute analyse quantitative où l'unité de base est l'individu. Il est toutefois possible identifier avec une relative facilité le militaria représenté et opérer des recoupements avec les données textuelles et archéologiques à disposition. Le dessin d'une rare finesse offre de précieuses informations sur le matériel militaire carolingien tardif, et sur celui des Magyars, tous deux mélangés au sein de scènes où les soldats sont régulièrement disposés en formation de combat.

Analyse du matériel militaire

La plupart des guerriers portent de lourdes  cottes de maille, ce qui n'est pas habituel dans l'iconographie carolingienne où prédomine plutôt l'armure à écailles. Peut-être est-ce dû au caractère tardif de ce document. Notons cependant que certains personnages sont protégés d'armures scalaires déjà fréquemment rencontrées dans le Psautier de Stuttgart, rédigé cent ans plus tôt. 
La question des casques, est assez épineuse: Environ la moitié des casques représentés est semblable en tous points aux casques habituellement représentés dans les enluminures carolingienne. lls sont renforcés de deux traverses sur la partie sommitale, ainsi que d'une autre sur tout le pourtour: il s'agit donc de « spangenhelms » tout ce qu'il y a de plus classique. Mais l'autre moitié des casques présente une forme effilée sur le sommet et ressemblent en tous points au casque de Pècs (Peuple magyar, Hongrie actuelle, Xe siècle). Il est possible d'observer sur la nuque des soldats ce qui pourrait être une couverture de maille ou de tissu épais, que les carolingiens nommaient « hasberga ».  Notons qu'il est plus prudent d'abandonner tout espoir de déceler dans l'iconographie carolingienne un quelconque exemplaire de casque à nasal: Certains reconstituteurs s'appuient sur un ou deux casques tombés au sol, et croient y voir un nasal qui n'est probablement qu'une représentation schématisée de la jugulaire, ou de la couverture dépassant sur l'arrière du casque tombé au sol.
La forme des boucliers et des umbos est tout à fait classique. Notons toutefois la présence régulière de boucliers de forme ovale et sans umbos, possiblement d'origine exogène? Pour le reste, lances, javelines et épées sont clairement visibles, mais le dessin ne permet pas d'en identifier la typologie avec précision. Nous pouvons également distinguer un autre élément de militaria plus spécifique,  régulièrement représenté dans l'iconographie carolingienne: l'arc (composite, et  d'origine exogène) à double courbure.

Tactiques de combat

De précieuses représentations de phalangistes en formation compacte sont visibles au sein du Livre des Maccabées. Ces hommes d'humble condition ne sont que rarement représentés en détail et méritent pourtant toute notre attention puisqu'ils représentaient l'épine dorsale de l'armée carolingienne, et ottonienne. Ces phalanges sont constituées de soldats groupés en formation serrée, armés d'une lance de longueur moyenne et protégés d'un bouclier Nous consacrerons ultérieurement un article entier au fonctionnement de ces phalanges, tant il est complexe.
Au gré des folios, des cavaliers chevauchent en formation vers l'adversaire, prêts à infliger de violents coups à l'aide de l'umbo central ou de la tranche du bouclier. Les fuyards, à cheval eux aussi, portent leurs boucliers dans le dos à l'aide d'une sangle pour mieux se protéger des projectiles.  Ces scènes, d'une grande richesse sont les témoins d'une tactique particulièrement appréciée de la cavalerie carolingienne: la retraite feintée. Nithard, petit-fils de Charlemagne, comte de Ponthieu et souvent aux prises avec les scandinaves, est allé jusqu'à décrire avec précision ce stratagème  dans ses chroniques "Historia". 
Cette tactique consiste à charger l'adversaire, puis, quelques secondes avant le choc, de simuler une retraite. L’ennemi, sûr de sa victoire, risque alors d'entamer une poursuite désorganisée. Les 
assaillants, en fuite certes, mais toujours en formation, font alors volte-face et peuvent  surprendre leurs poursuivants dont les rangs ont étés rompus.
Dans cette tactique, la cohésion de la formation importe plus que la vitesse de charge en elle même. Le désastre de la bataille du mont Süntal en est l'illustration parfaite: les cavaliers lourds francs y ont chargé les forces saxonnes à pleine vitesse sans rester en rangs compacts et ont essuyé un terrible échec militaire, oublié (volontairement ?) de la littérature carolingienne, à l'exception des Annales regni Francorum de l'an 782.

Conclusion

Le Livre des « Maccabées » est une source d'une grande importance. En effet, ce Codex présente un matériel militaire, porté en conditions réelles (c'est à dire sur un champ de bataille) comme cela est rarement le cas dans l'iconographie carolingienne. Dès lors, il est possible d'imaginer plus facilement l'emploi des armes et armures représentées et les tactiques employées à pied comme à cheval. Enfin, le dessin semble exempt d'influences antiques, ce qui nous affranchit des traditionnelles questions relatives à l'origine du militaria représenté.

Bibliographie:
Bachrach B. (2001) « Early Carolingian Warfare »
Coupland S. (1990) « Carolingian Arms and Armor in the Ninth Century »
Halphen L. « Eghinhard, vie de Charlemagne »
Voir aussi: la Geste de Walther.

Author: Damien Schirrer.

par Damien Schirrer 17 mars, 2021
Les motifs tamponnés de Chernigov, qui sont au nombre de 2, sont connus de la grande majorité des reconstituteurs du début du moyen-âge à l'heure actuelle. La version « en croix » à décor crénelé, et l'autre, en « fleur » décorent désormais les vêtements de reconstituteurs de plus en plus nombreux, Rus, ou Byzantins pour la majorité. Les motifs tamponnés aujourd'hui, qui sont invariablement les mêmes, sont issus des travaux de E.S. Vidinova, datés des années 40. Cette interprétation quasi « unanime » à l'heure actuelle s'est faite sur la base d'artefacts fragmentaires, quoi que suffisants pour recréer un médaillon complet, par jeux de symétrie répétées.
par Damien Schirrer 23 déc., 2019
par websitebuilder 11 août, 2019
Origin and history of conservation This Codex, now in the Leiden Library in the Netherlands, is dated to the first half of the 10th century. It is therefore straddling between the extreme end of the Carolingian era, and the beginning of the Ottonian era. The construction of this work probably began at the Abbey of St. Gall, but seems to have been finalized at Reichenau Abbey in Germany. The manuscript contains the first book of "Maccabees" and the copy of the fourth book of "Epitoma Rei Militaris" of Vegetius. They were both assembled at the very end of the 12th century. Unfortunately, there is no digitization of the document in its entirety, and we will only be able to study scattered folios available on the Internet. Description of the content This Codex is famous for its formidable representations of bellicose scenes. The figurative events are biblical, but it seems that the, or the draftsmen, were inspired by Magyares incursions that ravaged southern Germany in the tenth century. Once again, and as is customary in Carolingian religious literature, contemporary material elements of the writing of the document are set on a narrative narrative relating older events. The stylistics of the drawing is particular, since it plays on the effects of compact accumulations of characters, preventing in fact any quantitative analysis where the basic unit is the individual. However, it is possible to identify with relative ease the represented militaria and to make cross-checks with available textual and archaeological data. The drawing of a rare delicacy offers valuable information on late Carolingian military equipment, and that of the Magyars, both mixed in scenes where soldiers are regularly arranged in combat formation. Analysis of military equipment Most warriors wear heavy chainmail, which is not usual in Carolingian iconography where scaled armor predominates. Perhaps it is due to the late nature of this document. Note, however, that some characters are protected from scalar armor already frequently encountered in the Stuttgart Psalter, written a hundred years earlier. The question of helmets, is quite difficult: About half of the helmets represented is similar in all respects to the helmets usually represented in Carolingian illuminations. They are reinforced with two crosspieces on the summit part, as well as another on the whole circumference: it is thus of "spangenhelms" all that is more classic. But the other half of the helmets has a tapered shape on the top and look in all respects to the helmet Pecs (Hungarian people, current Hungary, tenth century). It is possible to observe on the neck of the soldiers what could be a cover of chainmail or thick fabric, that Carolingians named "hasberga". Let us note that it is more prudent to abandon any hope of discovering in the Carolingian iconography any copy of a nasal helmet: Some reenactors rely on one or two helmets that have fallen to the ground, and believe that they see a nasal that is probably only a schematic representation of the chin strap, or the cover from the back of the helmet that fell to the ground. The shape of shields and umbos is quite classic. Note however the regular presence of oval-shaped shields without umbos, possibly of exogenous origin? For the rest, spears, javelins and swords are clearly visible, but the drawing does not allow to identify the typology accurately. We can also distinguish another element of more specific militaria, regularly represented in Carolingian iconography: the arc (composite, and of exogenous origin) with double curvature. Battle tactics Precious representations of phalanxes in compact formation can be seen in the Book of Maccabees. These men of humble condition are rarely represented in detail and deserve our full attention since they represented the backbone of the Carolingian and Ottonian army. These phalanges consist of soldiers grouped in tight formation, armed with a spear of medium length and protected from a shield. We will devote a whole article later to the operation of these phalanges, so much is it complex. At the option of the folios, riders ride in formation towards the opponent, ready to inflict violent blows with the help of the central umbo or the slice of the shield. The fugitives, also on horseback, wear their shields in the back with a strap to better protect themselves from projectiles. These scenes, of great wealth are witnesses of a tactic particularly appreciated by the Carolingian cavalry: the feigned retreat. Nithard, Charlemag's grandson , Count of Ponthieu and often struggling with the Scandinavians, went so far as to describe with precision this stratagem in his chronicles "Historia". This tactic is to charge the opponent, then, a few seconds before the shock, to simulate a retreat. The enemy, sure of his victory, may then start a disorganized pursuit. The attackers, on the run, of course, but still in formation, turn around and can surprise their pursuers whose ranks have been broken. In this tactic, training cohesion matters more than the load speed itself. The disaster of the Battle of Mount Süntal is the perfect illustration: the heavy free riders have loaded the Saxon forces at full speed without remaining in compact rows and suffered a terrible military failure, forgotten (voluntarily?) Carolingian literature , with the exception of the Annales regni Francorum of the year 782. Conclusion The Book of "Maccabees" is a source of great importance. Indeed, this Codex presents a military material, worn in real conditions (ie on a battlefield) as is rarely the case in Carolingian iconography. Therefore, it is possible to imagine more easily the use of the weapons and armor represented and the tactics employed on foot as on horseback. Finally, the drawing seems devoid of ancient influences, which frees us from the traditional questions relating to the origin of the represented militaria. Bibliography: Bachrach B. (2001) Early Carolingian Warfare Coupland S. (1990) "Carolingian Arms and Armor in the Ninth Century" Halphen L. "Eghinhard, life of Charlemagne" See also: Walther's Gesture. Author: Damien Schirrer.
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